Le document ci-dessous est extrait de :
Une vieille abbaye bretonne. Notre-Dame du Relecq en Plounéour-Ménez
Chanoine H. Perennès
Société Archéologique du Finistère
SAF 1932 tome 59 pages 38 à 154
https://societe-archeologique.du-finistere.org/bulletin/annee_1932.html
Ire PARTIE
LES ABBÉS, LES MOINES, LA VIE SPIRITUELLE
Les origines
LE MONASTÈRE DE GERBER
A 13 km. 500 au sud-ouest
de Morlaix, sur le territoire de Plounéour- Ménez, à une lieue
dans l'est de cette bourgade, en bordure d'un vallon verdoyant
qui forme comme une oasis au pied des âpres solitudes de la
montagne d'Arrée, se trouvent les ruines de l'abbaye cistercienne
de Notre-Dame du Relec, groupe d'anciens et vastes
logis monastiques, dont les murs grisâtres encadrent un sanctuaire
au clocher d'ardoises moussues, émergeant d'un massif
de feuillage.
On attribue l'établissement primitif de cette abbaye à
saint
Pol-Aurélien, l'apôtre du Léon. Une tradition certainement
mêlée de légendes en place la fondation vers l'an 560, à l'endroit
qui venait d'être cinq ans plus tôt le théâtre d'une sanglante
bataille entre le jeune
Judual, prince de Domnonée, et
l'usurpateur
Conomor ou Comorre, comte de Poher.
Celui-ci ayant épousé la veuve de Jona, roi de Domnonée,
père de Judual, tenta de faire périr le jeune prince, afin de
régner à sa place. Echappé à son persécuteur, Judual se réfugia
à Paris, près du roi Childebert. A l'instigation de saint
Samson, évêque de Dol, ce dernier lui mit en mains les moyens voulus pour rentrer en vainqueur dans le royaume de
ses pères. Battu à deux reprises, Conomor recula jusqu'aux
confins du Poher, et, pour une lutte suprême, il s'adossa à la
montagne d'Arrée. C'est à l'endroit que les gens du pays
dénomment
Brank-Alek (branche de saule) qu'eut lieu la
bataille décisive.
D'après Albert Le Grand (1), l'action , acharnée et meurtrière,
fut indécise pendant deux jours. Enfin, le troisième
jour, grâce aux prières de saint Samson, qui, nouveau Moïse,
se tenait sur la montagne voisine en continuelles oraisons, la
cavalerie bretonne enfonça un corps de pirates danois. normands
et frisons, alliés de Conomor. Celui-ci essaya bien de
faire front, mais il tomba bientôt, percé d'une flèche « étouffé
parmy la presse des chevaux et soldats» (2). Et ce fut alors le
massacre de ses bataillons en déroute et le triomphe de Judual,
qui remonta sur le trône paternel (3).
A cette scène tragique, une vieille gwerz conservée dans le
pays (4) ajoute, au mépris de toute vraisemblance historique,
quelques dramaliques détails. C'est Clotaire, roi des Francs,
qui aurait conduit en personne les troupes de Judual. Tous
deux auraient eu à lutter contre Conomor et son beau-frère
Chram, fils de Clotaire. Mis en déroute, Chram s'enfuit jusqu'à
Plounéour-Ménez. La lutte y reprend. C'est alors que la Sainte
Vierge apparaît à Judual, qui lui promet, s'il est victorieux,
de lui bâtir une église sur le territoire de Plounéour. Conomor
(i) Les Vies des Saints de la Bretagne Armorique, édition de Kerdanet,
1837, p. 419. On sait que les assertions d'Albert Le Grand sont à
prendre cum grano salis.
(2) «C'est une des cinq ou six morts différentes dont il a plu aux légendaires
de frapper ce malheureux prince. » (note de Kerdanet).
(3) On voyait encore vers 1820, note Pol de Courcy, (De Nantes à
Brest, p. 280) au village de Mengleuz une grande dalle de schiste ardoisée,
que l'on nommait Men-Bez-Comor. Un paysan l'a depuis, enfouie
sous un talus.
(4) Gwerz Itroun-Varia ar Relek, éditée chez Lanoé, à Morlaix.
est tué.
Chram, avec sa femme et ses enfants, va se
réfugier à Kervorgan. Clotaire les y surprend et les livre au
feu. Avant de partir, le roi de France dresse sur le lieu du
supplice le
menhir de Kervorgan.
Quelques années plus tard, saint Pol-Aurélien envoya sur
le théâtre du champ de bataille, pour y fonder un monastère,
saint Tanguy, l'un de ses moines de l'île de Batz, accompagné
de douze religieux des monastères de Batz et d'Ouessant.
Quand ils arrivèrent dans le funèbre vallon de Brank-Alek,
un spectacle affreux s'offrit à leurs regards. Le sol était jonché
d'ossements humains, et, à cette vue, l'auteur de la gwerz
s'attendrit: « Ce fut une pitié, chante-t-il, de voir au Relec,
étendus sur le sol, le grand nombre de cadavres, dont une
partie des membres avait disparu. Les morts sont ramassés;
dans une même tombe ils ont été mis; suivant les écrits des
chrétiens, ils sont sous les pieds de la Vierge.». En cet endroit,
saint Tanguy et ses moines bâtirent un monastère qui fut
consacré à
Notre-Dame-des-Reliques; d'où le nom breton de
Itroun Varia or Relegou, et le vocable latin Abbatia de Reliquiis
Cette première abbaye du Relec reçut aussi le nom de
Gerber (mot bref), parce qu'un silence presque absolu y
était de règle (1).
Saint Tanguy, au dire d'Albert Le Grand, fut un prélat doux
et charitable envers son prochain, mais envers lui-même rude
et austère, sobre, patient, humble, tellement assidu à l'oraison
qu'il semblait à ceux qui le fréquentaient être toujours
ravi et absorbé en Dieu. Attirés par son exemple, plusieurs
gentilshommes vinrent se joindre à lui. Saint Tanguy fonda
également l'abbaye de Saint-Mathieu. Il mourut à Gerber et
son corps, transporté à Saint-Mathieu, fut inhumé dans le
cimetière de cette abbaye.
A l'instar des monastères celtiques, celui de Gerber
(1) Albert Le Grand, Les Vie des Saints, p. 769, note 1.
comprenait un certain nombre de cabanes ou cellules construites
en bois ou en pierres. Il renfermait en plus un oratoire de
structure et de dimensions très modestes, une cuisine, un
réfectoire, une hôtellerie et un atelier. Centre de sanctification
et d'apostolaL religieux, le monastère fut aussi un centre de
culture. Les moines évangélisaient les païens et leur enseignaient
par leur propre exemple à défrîcher le sol (1).
Après
818 seulement, sur l'ordre de l'empereur Louis Le Débonnaire,
ils durent renoncer à leurs cellules et adopter la
règle de saint
Benoît.
Peu à peu, autour du sanctuaire de Notre-Dame, se forma
le village du Relec, en même temps que se développait le
monastère. Mais, vers le début du Xe siècle, les Normands
envahirent touLe la Bretagne. L'année 914 vit la ruine du
monastère de Landévennec. Le fléau ne tarda pas à s'étendre
à la région de Saint-Pol de Léon, et le monastère de Gerber
disparut dans la tourmente.
L'ABBAYE CISTERCIENNE DU XIIe SIÈCLE
Après deux siècles
de silence la vie reprit au Relec. Une abbaye cistercienne s'y
établit au mois de
juillet 1132.
On sait que les Cisterciens doivent leur nom à l'abbaye de
Citeaux (diocèse de Châlons-sur-Saône), berceau de leur Ordre.
Ce monastère fut fondé en 1098 par saint Robert, abbé de
Molesme, au diocèse de Langres, qui voulut y observer avec
ses religieux la règle de saint Benoît au pied de la lettre.
L'entrée de saint Bernard au monastère (1112) fut le point de
départ d'un essor extraordinaire, d'où le nom de Bernardins
qu'on donnait parfois aux Cisterciens dans les derniers siècles
de l'ancien régime.
Conformément aux statuts de l'ordre, le religieux doit
s'adonner à la contemplation et à la pratique de la pénitence.
(1)La Borderie, Histoire de Bretagne, t. I, p. 298, 363, 365, 507,
511.
Tout converge vers l'office divin. Le jeûne doit être rigoureux;
l'abstinence de viande continuelle; le silence ne peut être
rompu sans nécessité. Pendant que, dans l'église, les religieux
de choeur chantent la louange divine. des frères convers
s'occupent des ouvrages extérieurs et du travail agricole. A
la différence des disciples de saint Benoît, qui avaient, pendant des siècles, établi leurs monastères sur des collines agréables,
d'où la vue embrasse de beaux horizons, les enfants de
Cîteaux, choisissaient, loin des villes, pour y fonder leurs
maisons, les vallées profondes et humides. Elles étaient propices
au recueillement, et, par surcroît, l'agriculture devait
profiter de la présence des moines. « Tu trouveras plus de
choses dans les forêts que dans les livres, écrivait saint Bernard;
les troncs d'arbres et les pierres te donneront des leçons
que ne sauraient te donner tes maîtres (1).
Les moines de Cluny portaient un habit noir; celui des
Cisterciens fut de couleur plutôt blanche ou grisâtre (2).
Le 28 juin
1121, des moines de Cîteaux fondaient au diocèse
de Chartres une
abbaye du nom de l'Aumône. Quelques
années plus tard (10 septembre
1130), ce monastère donnait
naissance à celui de
Bégar, situé sur le territoire de l'ancienne
(1) Lettres dans Patrol. lat. de Migne) t. CLXXXII) col. 242.
(2) A ce changement de couleur des robes et des coules monastiques
se rattache une gracieuse légende: « C'était en l'an 1101, au cinquième
jour du mois d'août. Avec une grande dévotion, les moines chantaient
les Vigiles. Tout à coup, l'église parut s'entrouvrir sur leurs têtes. La
sainte mère de Dieu descendait du ciel, portée sur un nuage de parfums,
entourée d'une légion d'anges, et tenant en ses mains une belle coule
blanche. Elle vint droit au bienheureux abbé, qui, ravi en extase, se
laissa mettre cette précieuse coule par son auguste protectrice. Les religieux,
jaloux, contemplaient celle merveille. Par un nouveau miracle, la
douce Vierge fit qu'en un instant toutes les coules devinrent blanches, de
noires qu'elles étaient». On sent à la base de cette légende une tendre
dévotion de ceux qui l'ont imaginée, à l'égard de la Sainte Vierge. Et,
de fait, l'ordre de Cîteaux, dès ses débuts, a professé un culte tout filial
à l'endroit de la mère de Dieu. Consacrés à Marie, tous les monastères
cisterciens portent le nom de Notre-Dame.
paroisse de Trézelan, au diocèse de Tréguier. La nouvelle
fondation emprunta son nom à un ermite fameux dans le
pays, qui s'appelait
Raoul Bégar. En l'espace de dix ans, de
1132 à 1142, Bégar devint la mère de cinq abbayes bretonnes:
Le Relec, Boquen en la paroisse de Plénée-Jugon, au diocèse
de Saint-Brieuc (1137), Saint-Aubin-des-Bois, en la paroisse
de Plédéliac, dans le même diocèse (1138), Lanvaux, en la
paroisse de Grand-Champ, dans le diocèse de Vannes (1138),
et Coëtmalaouen, dans la paroisse de Saint-Gilles-Pligeaux,
au diocèse de Quimper (1142) (1).
L'abbaye du Relec passait au XVe siècle pour être de
création
ducale, comme il ressort des déclarations du duc Jean V (2)
et d'Anne de Bretagne (3). Il est probable que le
duc Conan III
la fonda ou en encouragea la fondation à l'instigation de sa
mère, la duchesse Ermengarde. qui, en commerce épistolaire
avec saint Bernard, avait pris le voile en 1130 au prieuré de
Larré, près Dijon (4).
L'inauguration de la nouvelle abbaye eut lieu le 3 des
calendes d'août, c'est-à-dire le
30 juillet 1132. Quelques auteurs
ont pensé que saint Bernard fut présent à la fête. C'est une
erreur. L'abbé de Clairvaux ne fonda qu'un monastère en
Bretagne, celui de Buzaï dans la région nantaise (1135) (5).
Le Relec est une appartenance de la montagne d'Arrée. Or
l'Arrée, que l'idiome armoricain appelle kein Breiz, « le dos
de la Bretagne », n'est autre chose qu'une chaîne de grandes
collines qui, sur une cinquantaine de kilomètres, de la région
(1) Essaim de l'Aumône, comme Bégar, l'abbaye de Langonnet, fondée
le 20 juin 1136, donna naissance en novembre 1177 au monastère
de Saint-Maurice. Les deux établissements appartenaient au diocèse de
Quimper.
(2) Blanchard, Lettres et mandements de Jean V. t. I, n° 268.
(3) Archives du Finistère, 4 H 3.
(4) Dom Moriee, Preuves . .. , t. I, 573.
(5) Vacandard, Saint Bernard. 1897, I, p. 406. La date du 3 des calendes
d'août est donnée par Janauschek (Atlas)
de Loguivy-Plougras à Quimerc'h, sépare Tréguier, Léon et
Cornouaille. Elle s'oriente du nord-est au sud-ouest, et offre,
par intermittences, des dentelures schisteuses, aux arêtes
vives, nettement découpées, que la langue bretonne caractérise
sous e nom de Roc'h. C'est ainsi que Roc'h-an-Diri (1 ) et
Roc'h-sant-Barnabé séparent Le Cloître et Le Relec de Scrignac
et de Berrien, et que Roc'h-Trévézel se dresse entre
Commana et Botmeur. A partir de Roc'h-Trévézel, l'échine
montagneuse, faite désormais de grès armoricains, s'infléchit
par l'un de ses rameaux vers le Torgen Saint-Michel (2) mettant
une séparation entre les hauteurs de Saint-Rivoal et les
marais de Botmeur. L'autre rameau laisse sur sa droite de
hauts plateaux, couverts de lande et de bois taillis, qui se
prolongent jusqu'à Sizun (3).
Au bas des pentes raides de l'Arrée se trouvent de profonds
ravins, souvent en forme de cirque, d'aspect farouche et désolé.
D'autres pentes descendent en douceur vers des régions tourbeuses, marais ou grands marécages, réputés très dangereux:
quand un avare était mort, on disait naguère en proverbe:
(Le diable l'a jeté dans les fondrières de Yun-Elé, au bas du
mont Saint-Michel ».
Le climat de l'Arrée est rude. Les vents du nord et du sud-ouest
y soufflent terriblement, les gelées y sont fortes.
Dans
l'hiver 1788-1789, note Cambry (4), la neige s'élevait à plus
de dix pieds dans les vallons; on fut sept semaines sans pou-
voir mettre les animaux dans les champs.
Le même auteur, écrivant à la fin du XVIIIe siècle, nous
(1) « La Roche des Terres-Froides». Diri est le pluriel de tir ou tirien,
terre sèche et froide).
(2) C'est ici le Mont Saint-Michel qui, avec ses 391 mètres d'altitude,
est le point culminant des Monts d'Arrée et de toute la Bretagne.
(3) Camille Vallaux, Toponymie de la Montagne d'Arrée, dans le Bulletin
de la Société archéologique du Finistère, 1905, p. 114. ,
(4) Voyage dans le Finistère, éd. de 1835, p. 229 et suiv.
décrit le costume des habitants: « Ils sont vêtus de toile ou
de berlinge, espèce d'étoffe faite avec du fil de chanvre et de
la laine; ils en font des gilets, des habits, des culottes, des
bas, et portent tous le même vêtement, de la même couleur,
d'un brun-jaunâtre. Les femmes se servent de la même étoffe;
elles n'ont de remarquable dans leur habillement. qu'une
espèce de queue plissée, d'un empan de longueur, qui tombe
aussi bas que leurs jupes »
Les maisons de ces montagnards, toujours groupées en
villages, étaient faites de dalles bleues grossières, A défaut de
sentiers praticables, le colon passait tout simplement à travers
la lande.
Leur nourriture, très frugale comportait: des crêpes, de la
bouillie, du pain de seigle, du laitage, et du lard dans les
jours de fête (1).
Comme tempérament ils étaient fiers et indépendants (2),
mais bons, généreux et hospitaliers (3).
Le pays se prête bien à l'élevage du bétail, spécialement
des moutons. Il est très giboyeux. Cambry parle d'un de ses
guides qu'il vit prendre à la main deux lapins en dix minutes.
On se plaît d'ailleurs à dire familièrement aux petits enfants
qu'ils ont été trouvés dans l'oreille d'un lièvre de la montagne
d'Arrée: Te a zo bet kavet e skouarn ar c'had e Menez-Are.
Voilà donc la région que les moines du Relec sont appelés
à coloniser par des paysans qu'ils prendront sous leur protection.
Les pionniers de l'Arrée seront à la fois abatteurs de
bois et fondateurs de villages. Ils commenceront par déboiser
les pentes moyennes de la montagne, puis il y installeront
leurs demeures; sur les haùteurs dénudées, ils se contenteront d'écobuer, c'est-à-dire de brûler les genêts et l'ajonc
(1) Ibidem.
(2) Vallaux, La nature et l'homme en Montagne d'Arrée, dans le Bull.
de la Société archéologique du Finistère, p. 130-131. .
(3) Cambry, op. cit
et de semer du seigle dans la cendre (1). Comme moyens de
communication, ils auront à leur disposition la voie romaine
qui va de Carhaix à Brest, passe par Berrien, puis à trois kilo- .
mètres du Relec, et prend en écharpe la montagne d'Arrée.
II L'abbaye du XIIe au XVe siècle (2)
Le premier abbé du Relec que nous connaissions portait le
nom de David, et vivait à l'époque de Bernard de Moélan,
évêque de Quimper (1159- 1167). Il souscrivit à une donation,
par laquelle le duc de Bretagne, Conan IV, mort en 1171 (3),
confirmait à l'abbaye de Sainte-Croix de Guingamp les possessions
qu'elle tenait de la libéralité de la duchesse Marguerite.
Au XIIIe siècle, l'abbé Yves est témoin, en novembre 1265,
de l'acte de donation par lequel Hervé, vicomte de Léon, cède
au duc Jean Le Roux le droit de percevoir les taxes du port
de Saint-Mahé (Saint-Mathieu-fin-de-terre). Une transaction
passée avec le même Hervé montre qu'Yves vivait encore en
1279 (4).
Alain, en l'an 1300, conclut un accord avec Hervé du Penhoët,
chevalier, relativement à la juridiction que ce dernier
revendiquait sur les terres appartenant aux moines du Relec (5).
(1) Les bois disparus laisseront dans la toponymie des traces de leur
existence. Cf. Vallaux, Bulletin de la Société archéologique du Finistère,
1905, p.119.
(2) Gallia Christiana, tome XIV, col. 991.. Tresvaux, L'Eglise de
Bretagne depuis ses commencements jusqu'à nos jours, Paris, 1839, p. 548.
(3) Dom Morice. Preuves ... , tome I, col. 661
(4) Ibid., col. 994, 1048. ,
(5) Ibid ., col. 894, 1048 ; Archives du Finistère, 4 H 11.
L'abbé Jean souscrit à une transaction passée en 1309 entre
Geoffroi Tournemine, chevalier, seigneur de La Hunaudaie,
et Yves, abbé. de Saint-Aubin-des-Bois (1).
Faut-il ici inscrire le nom de Guillaume Poulart. fils de
Pierre Poulart, trésorier de Jeanne de Penthièvre et de Constance
Kenaoul? Il fut chanoine de Saint-Brieuc, puis en 1357
évêque de Rennes. Transféré à Saint-Malo le 13 janvier 1359,
il mourut avant 1376 (2). Qu'il ait compté notre abbaye parmi
ses bénéfices, cela paraîtra vraisemblable à quiconque
examinera la grande pierre de granit fin qui gît sur le sol,
appuyée à l'extrémité droite du pignon ouest de l'église du
Relec. Cette pierre est chargée d'un écusson rectangulaire
qui offre un écartelé aux 1 et 4 d'une rose, aux 2 et 3 plein;
il est timbré d'une crosse et d'une mitre, et soutenu de deux
lions galbés de façon archaïque, dont les têtes sont brisées.
Le type de ces supports indique que les armoiries en question
remontent pour le moins à la fin du XVe siècle, mais aucun
des abbés connus par ailleurs, qui ont régi au moyen-âge
l'abbaye du Relec. ne portait ce blason. Une seule famille en
Bretagne timbrait son écu d'un écartelé disposé de cette
façon; c'était la famille Poulart, ancienne lignée chevaleresque
du pays de Goëlo, qui a précisément produit au milieu
du XIVe siècle, époque de sa splendeur, l'évêque distingué que
fut Guillaume Poulart. Si ce prélat ne régit pas l'abbaye du
Relec. cet honneur revint assurément à un membre de sa
famille (3).
Les Actes du Saint-Siège des XIII.-XVe siècles, concernant
les évêchés de Quimper et de Léon, publiés par M. le chanoine
Peyron (4). nous révèlent l'existence d'un Thomas, abbé du
(1) Tresvaux, op. cit., p. 548 .
(2) Eubel, Hierarchia catholica
(3) Notes de M. Le Guennec.
(4) Quimper, Kerangal, 1915, n° 420, p. 81
Relec, à qui le pape Grégoire XI accorda, le 28 juin 1373, la
faculté de se choisir un confesseur à l'article de la mort.
Comme les autres monastères de France et de Bretagne, le
Relec eut beaucoup à souffrir de la guerre de Cent ans et des
épidémies qu'elle entraîna à sa suite. « Désormais, écrit le
Père Denifle, et jusqu'à la fin de la guerre de Cent ans, les
mots de mortalité, peste, disette et guerre s'accumulent lugubrement
dans les plaintes incessantes sur les malheurs de
la France. La diminution des revenus provient autant de la
peste que de la guerre. La guerre elle-même était un grand
ferment pour le fléau. Les cadavres restés sans sépulture infectaient
l'air et l'atmosphère » (1). En 1375, Saint-Pol-deLéon
fut pris par le duc de Lancastre, el ses troupes se portèrent
au monastère du Relec, qu'elles détruisirent partiellement
et mirent au pillage (2). En ces tristes conjonctures, les
religieux demandèrent à Rome une concession d'indulgences,
en vue de reconstruire leurs maisons.
Grégoire XI, le 22
avril 1376, accorde ces indulgences à ceux qui contribueront
aux réparations du monastère, ruiné par les maladies contagieuses
et les routiers qui ont longtemps infesté tout le territoire
(3).
D'ailleurs, les autres abbayes cisterciennes bretonnes
étaient plongées dans la même détresse et, en 1387, le chapitre
général de l'ordre ne pouvait qu'en déplorer la dévastation
(4).
(1) La désolation des églises. monastères et hôpitaux en France pendant
la guerre de Cent ans, 1902, tome II, première moitié, p 57 et ss.
(2) Cette même année 1375 vit la dévastation de l'abbaye de Saint-Mathieu-fin-de-terre
(Gallia Christ, t. XIV, 987, et de l'église des "Dominicains
de Quimperlé (Denifle, op. cit., t. II, deuxième moitié, p. 745).
(31 Peyron, Actes du Saint-Siège, nO 448.
(4) Denifle, op. cit.
En 1235, Guillaume du Penhoat accorde aux moines le
droit de libre acquisition en ses biens féodaux et arrière-féodaux.
Il confirme leurs possessions actuelles et interdit à ses
héritiers de changer quoi que ce soit à ces dispositions. Hervé
du Penhoat confirmera à son tour, en 1300, « toutes les terres,
possessions et saisines que les religieux, abbé et couvent ont
acquis jusqu'à ore par quelques titres et manières que ce soit
es fées du dit Monsieur Guillaume et de ses erriere fées » (2).
Le 3 mars 1422, le seigneur, du Penhoat cède au monastère
certaines terres et convenants du vil1age de Lanhiric en Plounéour
(3).
Plus tard, le 3 février 1444, par un contrat passé avec
Hervé Kerliviric, procureur de l'abbé et des religieux du Relec,
Jean du Penhoat, qui s'opposait à la foire que tenaient
ceux-ci à Plounéour en la fête de Saint-Laurent, sous prétexte
qu'elle nuisait à sa foire de Plouescat, renonce à ses prétentions
(4).
Outre les donations dont fut l'objet l'abbaye du Relec, les
morte, c'est-à·dire non sujets à mutation. Or, pour ne pas frustrer le seigneur
dont elle relevait des droits acquis à chaque mutation de vassal.
l'abbaye était tenue de lui désigner un particulier, à la mort duquel le
seigneur pouvait percevoir les droits qui lui appartenaient. C'était ce
que l'on nommait l'homme vivant et mourant.
(1) Le château de Penhoat, situé à l'extrême pointe Nord de SaintThégonnec
fut détruit pendant la Ligue, mais on en voit encore deux
tours du XIIIe siècle et quelques pans de murailles. Les barons de Penhoat se prétendaient cadets des vicomtes de Léon, Leur fief s'étendait sur
six ou sept paroisses. Cette famille, connue depuis le XIIe siècle, s'est
fondue dans Rohan-Gié.
(2) Dom , Preuves . .. , tome I, col. 894"
(:j) Archives du Finistère, 4 H 3
(4,) Ibid. ,
textes signalent quelques échanges entre elle et d'autres monastères.
En l'an 1184, l'abbaye de Marmoutier cède à celle du Relec
sa terre de Lanvan-Ploherin, à condition que le Relec, chaque
année à Noël. paie cinq sous au prieur du monastère de Saint-
Martin de Morlaix. (1).
En avril 1233, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, confirme
un échange entre les abbayes de Daoulas et du Relec. La
première cède à la seconde toutes les dîmes qu'elle tenait des
ducs dans la paroisse de Sizun, et un bien possédé par Tangui Le Clerc, petit-fils de Tangui Pen, de Landerneau. Par
contre le Relec cède à Daoulas une maison de La Trinité voisine
du bourg de Daoulas, toutes ses dîmes en Irvillac et la
propriété entière de Kermadiou en Plougastel (2).
Du fait de ces diverses libéralités venant des ducs de Bretagne,
des comtes de Léon et d'autres seigneurs, le patrimoine
de l'abbaye du Relec progressivement s'accroît. En 1330, elle
est taxée à 30 livres en cour de Rome (3), ce qui suppose un
assez joli revenu.
Au Moyen-Age, les domaines de l'abbaye étaient répartis
en 4 subdivisions qui, au lieu de porter, comme sur les domaines
cisterciens du reste de la France, le nom de granges,
étaient connues sous le vocable de pièces. En trois de ces
pièces, les possessions du monastère se groupaient autour
d'un petit centre monastique d'où elles recevaient leurs dénominations.
C'est ainsi qu'il y avait la
pièce du Relec, la pièce
de Plufur ou Manachty (maison des moines), dans la sénéchaussée
de Lannion, aujourd'hui canton de Plestin, et la
pièce de Languen ou Lanven en Saint-Vougay, diocèse de Léon (1).
(1) Dom Morice, Preuves . .. tome I, col. 699. Il s'agit de Lanven en
Plourin-Morlaix, qui devint plus tard terre noble et appartenait au
XVIIIe siècle à la famille de Coatarel, héritière des Kerlec'h de Kergadiou.
(2) Ibid., 879. ,
(3) Longnon, Pouillés de la province de TOUfS, 1883, p. 333.
Quant à la
pièce d'Oultrellè, elle comprenait les biens
situés pour la plupart au-delà de la rivière Elez (outre (l') Elez),
qui prend sa source dans les marais de Saint-Michel. s'oriente vers le sud-est en séparant La Feuillée de Brennilis, Saint-Herbot
de Loqueffret, puis se jette dans l'Aulne à Pont-Pénity,
entre Collorec et Plouyé.
Un document important nous fixe sur l'aire géographique,
au XVII siècle, des possessions de notre monastère: c'est
l'aveu rendu au Roi, en 1641, par Mgr de Rieux. abbé du
Relec (2).
Cette pièce énumère dès l'abord l'église du Relec, les bâtiments
conventuels et de service, la forêt et divers parcs voisins
de l'abbaye. Une mention spéciale est donnée au Grand
Parc comprenant, aux diocèses de Léon et de Tréguier, des
terres nobles, exemptes de dîmes et où l'abbé touche la quatrième
gerbe. Neuf terres en font partie: Le Clos, Toulgoat,
Quilliogos, Leingoat. Querminercho, An Iffernic, Toulancroas,
Guiffiaouec et Le Plessix (3).
Le Relec possède juridiction et justice à 4 piliers, haute,
basse et moyenne, avec auditoire et prison, s'exerçant au
bourg de Plounéour, par sénéchal, bailli et lieutenant.
Les biens de l'abbaye sont ensuite répartis par diocèses :
Léon, Tréguier, Cornouaille.
LEON
1. Plounéour-Ménez. a) L'église, dont l'abbaye est
fondatrice et supérieure, ayant droit à toutes les prééminences
(1) Vendu en 1563, Languen fut uni à la juridiction de Kerjean et il
Oultrellé (Bourde de La Rogerie, Bull. de la Soc. archéol. du Finistère
1914, p. 33).
(2) Archives du Finistère, 4 H 23.
(3) Le Grand Parc s'étendait vers l'est jusqu'à l'ancienne route de
Morlaix à Châteauneuf. Il était enclos (l'un mur appelé le Mur du Diable.
Dans la croyance populaire, ce mur aurait été bâti par le diable
en une seule nuit.
et prérogatives qui en dérivent. b) Le presbytère.
c) La maison paroissiale qui sert comme chefrente à l'abbaye
en la fête de saint Etienne « ung chappon deux oranges et
deux citrons (1). c) L'auditoire, la prison et les poteaux
de justice. d) Douze maisons, y compris la maison paroissiale.
f) Dix-neuf villages.
2. Commana. a) Diverses possessions dans trois villages.
b) Vingt-quatre terrains dans les montagnes.
3. - Sizun. Onze convenants,
4. - Plabennec. Cinq convenants.
TREGUIER
1. Plourin. a) Quatre moulins. b) Onze villages.
au nombre desquels Le Cloître, où l'abbé a le droit de présenter
pour le service de l'église un de ses religieux.
2. Plougonven. a) Quatre villages. b) Seize
convenants dans les montagnes,
3. Manachty. Cette seigneurie a droit de haute,
moyenne et basse justice, s'exerçant tant à Plufur qu'à la
chapelle de la Trinité en Plounérin. Il faut noter ici: a) l'église
paroissiale de Plufur avec prééminences. b) le
manoir et ses dépendances. c) les moulins.· d) Quatre
convenants.
4. Plounérin. Il y a dans la frairie de Treueza: a)
la chapelle de la Trinité, dépendant du Manachty, où l'abbé
a le droit de présentation du chapelain. b) la chapellenie
de Kergrist et de Saint-Connay au village de Saint-Connay.-
c) Quatre convenants.
5. Lannel (2). Plusieurs convenants en la frairie de
Saint-Connay.
6, Guimaec. Quatre convenants. Nous trouvons
(1) Dans un aveu à l'abbaye de 1700, les fabriques se déclarent redevables
de ces choses et en outre de 2 pots de vin, de 4 sols en pain:
« payables au porche de l'église paroissiale ».
(2) C'est la paroisse de Lanvellec.
mention, à la suite de cette paroisse, de trente-huit chefrentes
dues au Manachty.
7. Trédrez. -- a) La seigneurie de Locquemeau avec
église et manoir. b) Six convenants et deux rentes.
8. Ploumilliau. a) Cinq convenants. . b) Vingt-deux
chefrentes payables au manoir de Locquemeau.
CORNOUAILLE
1. Scrignac. a) . Manoir noble de Trénivel qui possède
la chapelle de Saint-Corentin, où l'abbé du Relec a droit
de présentation d'un chapelain. b) Trois villages, dont
chacun compte trois ou quatre convenants.
2. Berrien. a) L'église, où l'abbaye fondatrice et su-
périeure a des prééminences. b) Quelques maisons et moulins.
c) Onze villages, dont chacun a plusieurs convenants.
d) Dans la montagne, l'abbaye est créancière de vingt-trois
personnes. e) Des rentes sont dues par quelques particuliers.
Il s'agit ensuite de Ja seigneurie d'Oultrellé.
I. Saint-Rioual. a) L'église, dont l'abbaye est fondatrice, où elle a des prééminences, avec droit de présentation
d'un chapelain.· b) C'est ensuite un droit de foire le mardi
avant la fête de saint Michel au Mont-Gargan. c) Quatre
villages, dont Le Mouennec.
2. Loqueffret. Villages de Forchan et de Bleiquesfure.
3. Pleyben. Villages de Quilliegou et du Marros.
4. Gouézec. Trois villages (1).
Vient ensuite l'énumération de quatorze rentes anciennes
sur maisons et jardins « en ville et faubourgs de Morlaix»,
(1) Hervé an Asset, receveur d'Oultrellé en 1471, mentionne pour
cette pièce les tenues suivantes: An Moennec, Forhan, an Gouzannec,
Blimguesfure, Gouezec, Pleyben, An Quilliegou (Arch. dn Finistère,
4 H 56).
puis d'aulres rentes dues par le couvent de Saint-Mahé
(Saint-Matthieu et l'aveu prend fin avec la mention de neuf
rentes en Plounéour-Ménez.
II L'exploitation du domaine
La quevaise (1)
Les possessions de l'abbaye du Relec furent, dès le début,
assujetties à un mode spécial de tenure dénommé quevaise.
Qu'est-ce à dire? La forme ancienne du vocable est quemais ;
elle figure dans un texte du 21 juin 1434. Yvon Le Tanné,
vicaire de Pontudé, dit au cours d'une déposition que les
commandeurs éloignés depuis longtemps « baillerent et livrerent aux dicts predecesseurs du dict vicaire pour habitacion
une maison... appelée en breton quemais en vicair... (2).
D'autre part, Michel Sauvageau, dans ses observations sur la
quevaise, mentionne la forme quemmais (3). En breton, quem
ou kem a le sens d'échange, parité, égalité (4) et maes par
contraction mès (prononcez maise) signifie « champ »,
(1) H. Hardouin, L'abolition de la quevaise au Relec (Bull. de la
Soc. archéol. du Finistère, 1883), p. 53-80) Cette question de la quevaise,
jusqu'ici mal connue, vient d'être éclairée par une importante
étude de Mlle Jeanne Laurent (position des thèses soutenues par les élèves
de la promotion de 1930 pour obtenir le diplôme d'archiviste paléographe,
La quevaise). Un commentaire critique des conclusions de cette
étude a été fait par M. H. Waquet, A propos de la quevaise, Un cas de
communisme agraire en Basse-Bretagne du XIIe au XVe siècle. (Bull.
de la Soc. archéol. du Finistère, 1930, p. VII-XII). Presque tout ce qui
est dit ici de la quevaise s'inspire du travail et des notes de Mlle Laurent.
(2) Note communiquée par Mlle Laurent.
(3) Arrests et règlements... , par Noël du Fail, t. I, p. 228.
(4) Le Pelletier, Dictionnaire de la langue bretonne... , Paris, 1752.
Cet auteur cite en exemple la phrase suivante: Ne d'eus ket a kem etrezo: Il n'y a pas entre eux de commune mesure !
Ne serait-ce pas l'étymologie du terme quemais ou quevaise
égalité de champ? Chaque quevaisier recevait en effet la même
portion de terrain; tous avaient des champs d'égale contenance.
Usité au Relec; le régime de la quevaise, au sens strict du
terme (1), s'étendait également aux domaines de la commanderie
de La Feuillée et de ses divers membres, ainsi qu'à une
partie des possessions de l'abbaye de Bégar. Trois traits le
caractérisent:
1° Le fonds appartient au seigneur, les édifices et superfices
au tenancier.
2° Le tenancier perd sa tenure s'il l'a délaissée pendant un
an et un jour.
3° Le dernier-né de la famille, fils on fille, hérite du quevaisier,
à l'exclusion des collatéraux; c'est le droit de luveignerie,
Si, d'autre part, il n'y a pas d'enfant, la terre, avec ses
édifices et superfices ~ fait retour au seigneur; c'est le droit
de reversion.
Dans ce régime de la quevaise, certains auteurs ont cru voir
des traces de l'ancien servage (2). Mlle Laurent a bien montré
qu'il n'en est rien. L'apparition de la quevaise au XIIe siècle
coïncide avec l'établissement des Cisterciens et des Hospitaliers
dans des terres arides, marécageuses ou occupées par
des forêts. Elle est commandée par l'oeuvre de défrichement.
Pour mettre les défricheurs en mesure d'aborder la culture
dans de bonnes conditions, les moines cèdent à chacun d'eux,
moyennant une rente de cinq sous et une géline, un champ
d'un journal de terre. Le travailleur s'y installe avec sa famille,
et c'est de ce champ clos, comme d'une « base d'opérations,
qu'il va pouvoir s'élancer pour exploiter la terre indivise et
sans clôture, appelée « terre de la dîme)), où tous jouissent
(1) Primitivement, le mot s'appliquait à toute sorte de tenure.
(2) Voir, par exemple, Duparc-Poullain, Principes du Droit français,
t. I, p. 1OO
de droits égaux.
Les avantages du régime sont de nature à attirer des bras.
A la différence du travailleur soumis au domaine congéable,
le quevaisier est exempt, en effet, de droit de champart (I) et
par surcroît, il ne peut être l'envoyé. Rien d'étonnant, d'ailleurs,
à ce qu'il soit contraint de résider sur sa terre qui ne
voit que, par une absence prolongée, il compromet l'oeuvre
de défrichement? S'il s'en va, c'est qu'il est censé démissionnaire,
et que, librement, il rompt le contrat. Il n'y a donc pas
à ce propos à parler de servage.
Est-ce dans la pratique de la juveignerie ou de la reversion
que l'on découvrira des survivances de l'ancien servage?
Pas davantage. L'oeuvre de défrichement, il ne faut pas l'oublier,
est au premier plan. N'est-il pas utile, dès lors que les
enfants plus âgés, en mesure de s'établir, laissent la maison
paternelle pour prendre à leur tour chacun sa quevaise? C'est
donc par la force des choses que l'enfant le plus jeune prend
la succession du père. Si, maintenant, le dernier-né de la famille
meurt sans enfant, il est tout naturel que, dans l'intérêt
du défrichement, sa quevaise fasse retour au seigneur pour
être confiée à un hôte nouveau (2).
Tout alla bien jusque vers le XVe siècle. A ce moment, par
suite de la diminution de la terre à exploiter, plusieurs quevaisiers,
malgré l'opposition des abbés ou commandeurs,
élevèrent des clôtures sur la terre de la dîme» et prétendirent
s'attribuer ces quevaises d'un nouveau genre. L'envie
s'en mêla et les procès se multiplièrent.
Au Relec, en 1562,
l'abbé Loys Le Bouteiller assimila les quevaises aux censives (3)
et, quelques années plus tard, en 1575, l'abbé Henri Le DeufT
(1) Le champart (campi pars) était le droit que les seigneurs avaient
de lever une certaine quantité de gerbes sur les terres de leur censive
(2) Tout ceci a été très bien expliqué par Mlle Laurent.
(3) Les telTes à censive payaient au seigneur dont elles relevaient
une redevance annuelle en argent ou en nature .
obtint du roi Henri III la conversion des quevaises en tenures
à cens. Mais il advint que, du fait des guerres civiles, du
décès de Le Deutf et de la négligence de ses successeurs, les
lettres du roi restèrent sans exécution.
Dans la première moitié du XVIIe siècle, l'abbé René de
Rieux s'appliqua à restaurer le droit de quevaise dans toute sa
rigueur. Il obtint à cet effet, contre ses vassaux rebelles, des
arrêts du Parlement de Bretagne (6 juillet 1606, 19 novembre
1609, 9 août 1618, 14 décembre 1619, 18 juillet 1620, 5 juin
1622, 19 août 1641, 19 janvier 1646), du Parlement de Paris
(29 août et 7 septembre 1628), du siège royal de Morlaix (25
septembre 1606, 12 novembre 161O (1), 1O mai 1614, 6 aout
1620, 15 avril 1636, 27 juillet 1639, 11 janvier 1640) de la
cour du Relec, (7 août 1611, 11 octobre 1639) (2). De par la
sentence de 1611 les quevaisiers rebelles de Plounéour, Plourin,
Plougonven et Scrignac sont priés, d'une manière prônale,
par les prêtres de leurs paroisses, de comparaître devant
le porche de l'église conventuelle du Relec « pour proceder
au bail du devoir de la septieme gerbe à la maniere accoutumee. Ils se voient, au surplus, condamnés à 15 francs d'amende
pour chacun de leurs convenants.
En 1643. Mgr de Rieux, qui suivait de près l'administration
de son abbaye, fit faire une copie d'une enquête datant du 15
mars 1585. Voici un extrait de cette pièce: « Noble homme.
maistre Ignace Corre, sieur du Cozker, demeurant ... en Morlaix
... dit que tous les convenantz tenus et despendantz de
la dicte abbaye du Rellec, quelque part et en quelque paroisse
qu'ilz soient, sont tenus audit titre de quevaise, fors et excepté
ceux qui puis les dix ans en ça ont commué ledict tiltre en
tiltre de sens et rachapt, suivant les lettres de permission a
ladicte fin et arrest de la cour ... ». Ce qu'il faut noter ici,
(1) Arch. du Finistère, 4 H 62.
(2) Ibid., 4 H 66, 67.
c'est que René de Rieux, en sa copie collationnée, a fait souligner
la première partie et non l'exception (1).
L'abbé de Pas de Feuquières, successeur de René de Rieux ,
adopta une tactique différente. Pour favoriser la
conversion
des quevaises en censives, il obtint du Parlement, en 1659
des lettres confirmant celles de 1575 (2). Un quevaisier de
Guimaëc, Charles Boulanger, présenta aussitôt une demande
de commutation qui nous fournit quelques détails intéressants sur le régime quevaisier.
1° Sont d'abord mentionnés les droits de juveigneurie (3) et
de reversion.
2° Le quevaisier doit manoeuvrer sa quevaise sans absence
dépassant un an et un jour.
3° Sans le consentement de l'abbé, il ne peut ni tenir deux
quevaises ensemble ni constituer aucune charge sur la quevaise.
4° Sans avoir le droit d'endommager ni de couper du bois,
il peut seulement émonder les arbres sur les talus.
5° Chaque année il doit ensemencer au moins le tiers de ses
terres chaudes, et l'abbaye y touchera la 4e gerbe dans le
grand parc et la 7e ailleurs. Quant aux terres froides, il doit y
écobuer de temps en temps, afin que l'abbaye puisse toucher
là-dessus son droit de champart. Les gerbes dues au
monastère seront chargées et charroyées par lui, il devra les y
« amulonner, les battre et les rentrer au grenier qui lui sera
assigné à six lieues à la ronde ».
6° Les quevaisiers doivent moudre au moulin de l'abbaye;
ils doivent s'entr'aider pour charroyer et loger les foins du
monastère, ainsi que pour charger les matériaux destinés aux
réparations des bâtiments de l'abbaye, des chemins, ponts et
(1) Arch. du Finistère, 4 H 62
(2) Ibid, 4 H 64.
(3) A la mort du père et de la mère, les meubles étaient partagés entre
le juveigneur et les collatéraux (Arch. du Finistère, 4 H 62, enquête
du 25 mars 1585).
moulins en dépendant.
7° Tout quevaisier est tenu aux charrois de vins et de bois
destinés aux provisions de l'abbaye et il doit annuellement 20
oeufs, une journée de corvée à bras avec un saumurage. Le
saumurage consiste à « aller une fois l'an à dix lieues loin de
l'abbaye avec son cheval porter ou quérir une charge à ses
frais », sauf que le quevaisier « aura une miche de pain à son
départ et une autre à son retour ... ».
Au XVIe siècle, la vente des quevaises, tout comme les baux
à terme, se font au chapitre des religieux, d'un commun
consentement de l'abbé et des religieux et non séparément» (1).
C'est ainsi, par exemple, qu'à Plourin, en 1593, les candidats
à la quevaise du juveigneur Kermorgant, décédé, sont
invités par trois bannies de trois dimanches subséquents à se
rendre le dimanche 4 juillet au chapitre du Relec, à deux
heures de l'après-midi. Ce jour-là, cinq hommes se disputent
la quevaise ; elle est octroyée pour 100 écus aux deux frères
Kermorgant (2).
En cas de réversion, les frères et soeurs ou autres parents
du défunt ont le droit de prémesse, c'est-à-dire de préemption
à des conditions plus avantageuses (3).
Si l'on rencontre deux quevaises tenues par le même individu
(4), plus souvent rencontre-t-on une seule même quevaise
partagée entre deux ou trois personnes (5). Nous avons
trouvé le cas d'une demi-quevaise mise dans la corbeille d'une
nouvelle mariée : le 5 juin 1665, Yvon Grall, à l'occasion du
(1) Arch. du Finistère, 4 H 61 (Copie du XVIIe siècle intitulée Anciens
contractz et baulx de quevaise pour l'abbaye du Relec).
(!) Ibid., 4 H 94.
(3) Ibid, 4 H 62.
(4) Ibid., 4 H 23, fol. 36 recto.
(5) Contrat de baillée à titre de quevaise d'un demi-convenant à Yvon
Cozden et Marie Quéméner, sa femme, au village du Cloître, 24 février
1581 (Arch. du Finistère, 4 H 80, n°51). Vente de 1/3 de quevaise, le
14 mai 1568 (Ibid. , 4 H 95).
mariage de sa fille Anne avec Hervé David, ajouta à son trousseau
la mi-quevaise du Guyader au Brihou en Plourin (1).
En ce qui touche les corvées, notons quelques vieux droits.
Au XVIIe siècle, l'abbaye fournissait des vêtements pour la
corvée, et les femmes en couches des quevaisiers avaient droit
à un pot de vin et à un pain. C'est ainsi que le 23 juillet 1583,
dans l'aveu de sa quevaise, tenue au Brihou, Guillaume
Madec « reserve les dresps faisantz lesdittes corvees accoustumes
et o le pot de vin et pain lorsque sa ferne est en
couches » (2).
Quelques années plus tôt, le 27 juin 1579. l'abbaye doit à
Auffret Le Flamanc et consorts lorsque leurs femmes sont
en couche d'enffant ung pot de vin et deux pains de froment ... » (3).
C'est à Morlaix, à Saint-Pol-de-Léon et à Châteaulin, que les
quevaisiers allaient prendre le vin du monastère (4). Quand
ils se rendaient à Morlaix, l'abbaye baillait à chaque charrette
20 deniers monnaies et 4 miches de pain. Pour la corvée de
Saint-Pol-de Léon, il était dû 2 sous et 6 deniers monnaie (5).
D'après un rentier de 1606, les corvées de vin et de bois,
au lieu d'être faites comme les autres services, par chaque
quevaisier, sont remplies en commun par les habitants d'un
même village, ou même par deux villages voisins, quand ils
sont de moindre importance (6). Le même document nous
apprend que « ceulx des hommes qu'on fait venir faucher
doivent demeurer exemps de toutz oeufz et corvees». Il nous
donne, par surcroît, un renseignement intéressant: c'est que
(1) Arch. du Finistère, 4 H 76.
(2) Ibid., 4 H 76.
(3) Ibid., 4 H 77.
(4) Ibid., 4 H 62.
(5) Ibid.} 4 H 77.
(6) Ibid., 4 H 28.
les terres d'Oultrellé prétendent être exemptes des corvées
d'oeufs et de saumurage.
Au lieu de la corvée en nature, l'abbaye se contente parfois
de « l'apprécy», c'est-à-dire de sa valeur en argent. Voici le
tarif présenté par le rentier de 1606 :
Un saumurage 20 sous
Une corvée 7 sous 6 deniers
Vingt oeufs 5 sous
Deux poules 15 sous
Un chappon 15 sous
Quatre pouletz de bois 24 sous
Six livres de beurre de nouvelle croissance 15 sous
Un charroi de vin 60 sous
Un charroi de bois 30 sous
Au XVIe siècle, le quevaisier acquitte également une corvée
de charruage (1).
D'après une sentence du siège royal de Morlaix en date du
26 juillet 1776, les quevaisiers, pour les charrois, devront atteler
quatre bêtes conduites par deux hommes robustes. La
journée commencera à cinq heures en été, à quatre en hiver.
Comme nourriture, les hommes auront du potage, du pain
de mistillon et des viandes communes; aux bêtes on servira
du foin, à moins que les quevaisiers ne se contentent de 20
sols par charrette, sans nourriture pour eux ou pour leurs
bêtes. Pour le transport des « matériaux et pièces excessives»
des roulettes ou chariots particuliers seront fournis par les
religieux (2).
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, alors que la quevaise
disparaît à peu près dans la commanderie du Paraclet et qu'elle
s'estompe à Bégar, elle reste en usage au Relec malgré les
(1) Arch. du Finistère, 4, H 15 (Déclaration de quevaise du 26 juin
1541, pour Kergreiz en Plougonven, puis Aveux de 1579, 4 H 77).
(2) Ibid., 4, H 67.
mutineries des quevaisiers. Ces rébellions allaient parfois à
la violence. Le cas se présentera par exemple, en
1727, Le
siège royal de Morlaix avait condamné certains quevaisiers à
acquitter leurs redevances. Sur leur refus, on veut procéder
à la vente de leurs meubles. Mais
c'est alors une émeute et ils
ne parlent de rien moins que « d'exterminer tous les moines
et de mettre le feu à l'abbaye.
Le 14 août 1727, le Parlement est obligé d'intervenir par
un arrêt à publier dans les paroisses des rebelles, qui met les
religieux sous la sauvegarde de la justice, et interdit à leurs
vassaux de leur faire aucun mal, de s'attrouper et de porter
des armes (1).
« Nous avons affaire là, note justement M. Waquet. à un
cas comme il s'en voit tant d'autres dans l'histoire, où l'évolution du droit n'avait pas suivi celle des moeurs. L'enfant
devenu homme conservait le vêtemeut qu'on lui avait donné
à quinze ans. A quinze ans, il s'y était senti à l'aise; à vingt
ans, il le faisait craquer ».
Le 14 septembre 1781, des lettres royaux accordèrent au
Relec la commutation de la quevaise en censive (2).
En 1790, les quevaisiers furent admis, sur leur demande (3).
à bénéficier du droit commun en matière de succession, puis
la Révolution les rendit propriétaires du fonds comme ils
l'étaient des édifices (4).
(1) Arch. du Finistère, 4, H 67.
(2) Ibid .
(3) En 1790, le cahier de la sénéchaussée de Lesneven demande entre
autres choses « la suppression des droits de quevaize» (art. 8)., Celui
de Plounéour-Ménez sollicile « la suppression du droit de mainmorte et
de servitude ... qu'il soit ordonné aux seigneurs ecclésiastiques et corps
de communauté d'affranchir de la condition servile de cerfs (sic) et mainmortables
... (Arch. du Finistère, série Q, Inventaires des meubles,
titres, etc. . . du Relec).
(4) Jeanne Laurent, Position des thèses . .. , p. 92 .
DESCRIPTION DE L' ABBAYE
L'abbaye du Relec fut supprimée, en février 1790, par l'assemblée
nationale, et le 26 janvier de l'année suivante, le
citoyen Souvestre y dressait un
inventaire des immeubles qui
nous renseigne sur sa situation. En voici un aperçu:
La maison des hôtes. qui a façade sur le jardin, longue de 177 pieds,
profonde de 27, et comprenant un rez-de-chaussée, un étage et un grenier, est en assez mauvais état. Il en est de même du dortoir qui se
trouve derrière l'
hôtellerie, long de 156 pieds, large de 30, avec rez-de-
chaussée, étage et grenier. Joignant le dortoir est le bâtiment neuf, qui
mesure 60 pieds de long et 30 de large, et comporte rez-de-chaussée,
étage et grenier. Cette construction, elle aussi, est en assez mauvais état;
les murs en sont sérieusement lézardés et surplombent.
L'
église qui forme un côté du cloître et joint la maison des religieux,
a 120 pieds de long, 54 de large; elle est pavée en pierres de Locquirec
et possède un petit jeu d'orgue.
Le
cloître qui mesure 12O pieds de long et 96 de large est couvert en
ardoise et soutenu par de petites colonnes en pierres de taille. Le tout
est en ruines et dans le plus mauvais état possible.
Dans la cour d'entrée se trouve un édifice en construction, bâti jusqu'au
premier étage et mesurant 114 pieds de long sur 36 de large. A
côté de ce bâtiment sont les remises avec corniches et mansardes en
pierres de taille.
Vis-à-vis de l'bôtelleric est une terrasse de 49 cordes carrées (1) de
surface au dessous de laquelle se trouve une autre terrasse, de 30 cordes
carrées. Il y a également un
jardin potager, entouré de fossés plein d'eau,
deux. vergers, et, près de l'église, un petit jardin muré, de 16 cordes
carrées.
(1) La corde carrée valait les 4/5 d'un are,
La cour d'entrée est plantée de petits chênes et décorée d'une « belle
pompe ».
L'écurie, l'étable et la maison de forge voisins de l'étang sont en bon
état. Derrière l'aire à battre est un grand jardin muré qui mesure 2 journaux
et 70 cordes carrées, Les allées, le long de l'étang, sont plantées
de chênes, d'ormes, de hêtres et de tilleuls.
L'inventaire du 20 février 1791 s'applique aux objets d'argent
et de cuivre et à la pharmacie. Comme argenterie, il y a 6 calices
dont un en vermeil, 2 paires de burettes avec plats, 2 petites
croix d'argent, une croix processionnelle, 2 lampes, un bénitier
avec goupillon, un encensoir et sa navette, un soleil, un
ciboire, une boîte aux saintes huiles, une Vierge, deux reliquaires
en bois garni d'argent. Comme « cuivrerie », on compte
16 chandeliers pour autels, un vieux bénitier, 2 mauvaises
lampes, 5 cloches au clocher, et divers ornements. Un état
est dressé des drogues que contient lafromassie (sic), et pour
les transporter à Morlaix, le sieur Guyon doit payer neuf
livres onze sols. Le 6 septembre, tous les objets d'argent et
de cuivre seront emballés pour être, eux aussi, expédiés à
Morlaix, sauf le soleil, le ciboire et la boîte aux saintes huiles
laissés au sieur Barbier pour les besoins du culte.
Le 11 avril, Pierre-Guyon, imprimeur du roi et de la Nation
à Morlaix, procéda à l'inventaire de la bibliothèque du couvent.
Elle comptait 3398 volumes ainsi répartis: livres de
religion, 1255; jurisprudence, 264; histoire, 309; poésie,
333; médecine et chirurgie, 284; mémoires, lettres et romans,
291; dictionnaires et anciens auteurs, 318 ; suites de la jurisprudence,
344. On l'estima au prix de
2.177 livres 11 sols 1
denier. Guyon toucha 204 livres.
L'ensemble des bâtiments et des salles de l'abbaye du Relec
est aujourd'hui en ruines. Seule l'église a traversé les siècles
sans dommage appréciable.
Les hauts piliers de la porte d'entrée du monastère sont
toujours debout et donnent accés à la grande cour d'honneur.
Dans cette cour, derrière une grange moderne qui n'est pas à
sa place, se dresse une jolie fontaine formée d'un obélisque
central, d'où l'eau jaillit sur les quatre faces, et d'un bassin
que les ménagères de l'endroit utilisent comme lavoir (1).
Prenons sur la droite, nous voici devant le fronton de l'église.
Le bas-côté et le transept sud de l'église ont été percés de
trois fenêtres flamboyantes. Le pignon de ce transept, comme
celui de l'abside, semble avoir été reconstruit au cours du
XVIe siècle. Quant au mur nord de la nef, il porte à une assez
grande hauteur trois fenêtres à deux baies ogivales surmontées
d'un lobe, qui peuvent dater du XIIIe siècle.
Si l'on pénètre à l 'intérieur de l'église, on y observe dès
l'abord une disposition architecturale propre à l'ordre cistercien.
Le plan général de l'édifice comprend, en effet, une nef
accompagnée de deux bas côtés, un vaste transept et un chevet
terminé par un mur droit. Sur chacune des branches du
transept s'ouvrent vers l'est deux chapelles carrées.
L'église qui mesure 37 mètres de long et Ilj mètres de largeur
à la nef, est pavée de grandes ardoises.
Les deux piles du bas de la nef, de forme cylindrique, avec
un bénitier à leur base, ont des chapiteaux très simples. Les
deux piles qui suivent, de forme oblongue, reçoivent l'archivolte
de l'arcade qui les relie aux premiers, sur une colonnette
terminée' en ·bec de sifflet, avec chapiteau grossièrement
sculpté. Deux autres colonnettes, également sculptées, soutiennent
les arcades des bas côtés et du transept.
Les arcades sont pa-rtout en cintre brisé. Plus basses dans
la nef, dont les murs atteignent une hauteur d'environ 14
mètres~ elles sont très élevées dans le transept. La voûte du
chevet est moins haute que celle de la nef et du transept.
(1) La fontaine de dévotion de N.-D. du Relec est blottie à l'angle du
chevet de l'église, en bordure de la route. On y vénère une statue en
granit de la Vierge Mère. L'enfant Jésus est privé de sa tête.
« Au-dessus des arcades de la nef, écrivait en 1903 M. le
chanoine Abgrall, on reconnait sous l'enduit la trace d'anciennes
fenêtres romanes, maintenant maçonnées. Cela indique
un remaniement des murs et des toitures des bas-côtés. Ces
murs étaient autrefois plus bas et percés de baies romanes,
et au lieu d'un toit unique couvrant à la fois les bas-côtés et
la nef, il y avait primitivement une toiture spéciale couvrant
les collatéraux, montant beaucoup moins haut et laissant
dégagées les fenêtres hautes de la nef» (1).
Le bras du transept sud est éclairé par une grande fenêtre
à meneaux, qui surmonte l'
enfeu et tombe des seigneurs du
Bois de La Roche en Commana, du nom de Cornouaille ou
Kernéau. Leurs armoiries, pleines dans l'écusson qui domine
l'enfeu, sont alliées, d'autre part, à celles de Poulmic et à
celles de Kergorlay. Au mur ouest du transept figure une
pelite fenêtre romane en meurtrière.
Les quatre absidioles du fond de l'église reçoivent de la lumière
par des fenêtres ogivales du XIIIe siècle, qui comportent
deux baies et une petite rose à six lobes. Dans le mur de
droite de chacune de ces chapelles est pratiquée une crédence
en plein cintre. Tout comme le transept nord, elles ont une
voûte en pierre, tandis que la nef et le transept sud sont
voûtés en lambris de bois.
Au fond du transept nord, un
escalier de pierre, bordé
d'une massive balustrade, de style Louis XIV, donne accès, par
une porte ménagée dans le pignon, à l'étage d'un édifice du
XIIIe siècle, aujourd'hui ruiné, qui s'appuyait à l'église. Une
seconde porte donnant sur le corridor de cet étage permet
d'entrer dans un appartement situé au-dessus du transept,
qui est pavé en briques rouges et muni d'une cheminée. De
là, par une clairevoie pratiquée au-dessus du choeur, les
convalescents pouvaient assister à la messe et aux offices.
(1) Livre d'or des églises de Bretagne.
Dans une petite tribune au-dessus de l'escalier, on aperçoit
un
grand cadran d'horloge, tout couvert de peintures et d'arabesques
avec cette inscription: Ex momento : pendet :
aeternitas (
Un seul moment décide de l'éternité). Plus bas,
sur une pierre sombre, encastrée dans le mur, on lit :
MONASTERII : AERE
REPARATA: SUNT
AVCTA : ET : ORNATA
TECTA AETATE : CASVRA
IOANNIS : BAPTAE : CVRA
ARCHIMANDRITAE
16g1 (1)
Au fond de l'église on devine l'existence d'une ancienne
tribune qui logeait les orgues (2).
Dans l'absidiole de droite du croisillon sud se trouvent
l'autel et la statue vénérée de Notre Dame du Relec.
L'autel est garni d'un riche retable du XVIIe siècle, orné de
rinceaux, de feuilles d'acanthe et de fleurs, dans l'enroulement desquelles se profilent des angelots. A bien regarder,
on découvre un gracieux génie se jouant sur une branche de
feuillage, un angelot chevauchant un aigle, deux figurines
féminines, au sein nu, tenant un médaillon à l'effigie du
Christ (3).
Au-dessus du tabernacle, un socle est supporté par deux
cariatides aux fines draperies flottantes et deux vertus
(1) « Aux frais du monastère, les bâtiments qui allaient tomber de
vétusté ont été restaurés, agrandis et embellis par les soins de Jean-Baptiste,
archimandrite, 1691 ». Cet archimandrite n'est autre que le
prieur J.-B. Moreau. Le titre d'archimandrite est donné au prieur dans
les monastères de rite grec.
(2) Achetées au prix de 3.000 francs en 1821 par la fabrique de Plougonven,
ces orgues furent placées dans l'église de cette paroisse par les
soins du sieur Méar, facteur d'orgues à Morlaix (L. Le Guennec, Notice
sur la paroisse de Plougonven, p. 178).
(3.) Note de M. Le Guennec.
cardinales, la Prudence et la Force, ayant pour attributs un serpent
et une colonne. Ces figures encadrent un médaillon en
bas-relief qui présente la Madeleine au pied de la croix, et, à
côté d'elle une tête de mort. A l'arrière-plan, apparaissent les
palais de Jérusalem.
Sur le socle, soutenu par les vertus et les cariatides, repose
la bhelle statue en pierre de la Vierge, grandeur nature. Le
front ceint d'un diadème, vêtue d'un riche manteau d'azur,
elle se révèle par sa pose « hanchée » caractéristique comme
une oeuvre du XVe siècle. La Vierge Marie porte sur son bras
l'Enfant Jésus, le front couronné, et vêtu d'une toge verte. Tl
tient une banderole dorée, dont les longues branches se déroulent
sur l'habit de sa mère.
De chaque côté du tabernacle, des niches à colonnes torses,
décorées de pampres de vigne et de colombes, abritent les
statuettes de saint Benoît, vêtu de noir, et de saint Bernard,
vêtu de blanc. Des cartouches ornés de volutes surmontent
ces niches; ils portent, entrelacées, d'une part les lettres
L.FVS, d'auire part JM.V.AJ.
Au haut de l'auLel on lit en lettres dorées: Notre-Dame du
Relec.
En face de cet autel est planté dans le sol un vieux tronc en
chêne, destiné à recevoir les offrandes, A côté une table de
forme archaïque supporte une statue ancienne de la Vierge
du Relec. Au fond du transept, à droite, on remarque deux
vieux sièges en bois dont le support s'appuie sur cinq colonnettes.
A côté une boîte, également ancienne, destinée sans
doute aux offrandes.
La chapelle voisine de celle que nous venons de décrire
contient un maître-autel moderne, encadré de deux hautes
statues anciennes représentant saint Benoît et saint Bernard.
Au fond du choeur existent encore les vieilles stalles en chêne,
où devaient prendre place les moines. Sous cet autel repose
le corps d'un ancien religieux dont les ossements sont
visibles
quand on ouvre une sorte de trappe située au ras du
parquet.
L'absidiole qui suit, au croisillon nord, renferme un autel
moderne de saint Joseph. Il convient cependant de noter au-dessus
du tabernacle quelques fragments de colonnettes anciennes.
De chaque côté de l'autel, on voit les vieilles statues
de la Trinité (où manque le Saint-Esprit) et de sainte Barbe
avec sa tour.
Quant à la dernière absidiole, à gauche, elle est convertie
en lieu de débarras et sa fenêtre est en partie bouchée.
Devant le maître-aulel est suspendue une lampe ancienne
en cuivre massif.
Font encore partie du mobilier de l'église deux plats en
cuivre de 0m. 20 de diamètre, qui servent pour la quête.
L'un d'eux présente une Vierge au repoussé avec bosses décoratives.
On lit au revers: F F : PAR G LE MAITRE L'AN
1760. L'autre plat, orné en son pourtour de bosses au repoussé,
porte à l'intérieur un récipient de forme cylindrique avec
l'inscription: N D DE PLOURIN. On lit, au revers: FAIS.
FAIE. PAR Mr TANGVI PTRE 1763.
Lorsqu'on s'apprête à quitter l'église par la porte du bas-côté
nord, on voit sur la gauche un bénitier en granit, près
duquel repose une Vierge-Mère en pierre, d'aspect fruste et
qui paraît très ancienne. Elle a été trouvée au bord de l'un
des étangs.
Une fois sorti, on trouve sur la droite une galerie voûtée, à
nervures, d'une douzaine de mètres de long sur environ trois
de large. Ce devait être la sacristie, qui s'ouvrait sur le transept
par une porte aujourd'hui aveuglée. Si ce local est obscur
c'est que l'on a bouché la fenêtre du fond. A gauche de l'ouverture,
deux vieilles pierres de la maçonnerie portent, l'une
la date de 1184 en chiffres arabes, l'autre celle de 1605, accompagnée
de deux lettres: HA. Si l'on a ainsi voulu conserver
la date de 1184 ne serait-ce pas que l'église fut fondée
cette année-là? Nous savons qu'elle est de la toute première
époque gothique (fin du XIIe, début du XIIIe siècle).
Vient ensuite la salle capitulaire qui servait aux moines de
lieu de réunion. Elle mesurait douze mètres sur douze. Trois
nefs y donnaient naissance à une voûte à neuf croisées,
dont les arcades retombaient sur quatre colonnes centrales
et douze jolis culs-de-lampe feuillagés. Voûte et colonnes
ne sont plus et les nervures des parois disparaissent à moitié
sous des massifs de lierre. Cette salle a le style de celles des
abbayes cisterciennes de Langonnet et de Saint-Maurice de
Carnoët.
Plus loin, toujours du même côté, deux sortes de galeries
ou réduits obscurs, percés dans un épais massif de maçonnerie, devaient être les celliers ou la dépense. Comme la salle
capitulaire, ils sont du XIIIe siècle. Quelques débris de colonnettes
de l'ancien cloitre s'y trouvent incrustés. Le cloître
n'existe plus. Un document de l'époque révolutionnaire le
signale comme étant déjà en mauvais état. Il mesurait 120
pieds de long et 54 de large. « L'espacement des éperons des
trois baies de la salle capitulaire, note M. Bigot, donne à
penser que chacune des travées du cloître se composait d'une
grande arcade dans laquelle se trouvaient inscrites deux arcatures
géminées supportées par une colonnette centrale» (1).
Le collatéral nord de l'église, percé de deux enfeux, formait
un côté du cloître, dont les montants du toit reposaient sur
des corbeaux que l'on voit encore. Tout comme la salle capitulaire,
sur laquelle il s'ouvrait du côté est, le cloître remontait
au XIIIe siècle.
Au nord de la cour d'entrée de l'abbaye, perpendiculaire à
l'église s'élevait l'hôtellerie, dont il ne reste d'autres vestiges
que de lourdes pierres de taille, gisant sur le sol. On y voyait,
il y a quelque vingt-cinq ans, l'ancienne cuisine des moines,
(1) Bull. de la. Société archéol. du Finistère, XI, 1884: p. 237-255.
avec sa grande cheminée à manteau, son four à pain et !ln
curieux fourneau en pierre de taille. Au-dessus de l'une des
fenêtres de l'hôtellerie on lisait M 1693 P (1).
Au sud de cet édifice était la maison du prieur.
En bordure de la cour d'honneur s'élevaient les bâtiments
de service, puis une construction ancienne, à lucarnes de
pierre en hémicycle et hautes cheminées, qui passe pour avoir
été le manoir abbatial. Dans le jardin voisin, on voyait un
petit colombier.
Au nord de l'abbaye s'étendent de grands jardins; l'un
d'eux est entouré de douves profondes, pavées de larges
dalles (2), qu'une écluse permettait de remplir des eaux du
Queffieut. Un pont de pierre à une arche y donne accès. Sur
la droite un long mur de clôture, troué et écroulé par endroits,
semble pleurer la ruine de l'antique abbaye léonaise (3).
Au nord-ouest des grands jardins se trouve le grand étang
dont les eaux faisaient marcher le moulin du monastère. Un
peu plus vers l'ouest, au-delà de la chaussée, se voit l'étang
supérieur. Tous deux, comme on l'a dit, « jettent dans le
paysage du Relec une note dont la douceur contraste avec la
sévérité de la fresque grise qu'étale vers le sud-ouest la chaine
de l'Arrée».
D'après la légende, «
les étangs du Relec rompront un jour
leurs chaussées et précipiteront leurs eaux en torrent dans la
vallée du Queffieut, balayant et détruisant tout ». Et l'on raconte
que jadis la ville de Morlaix entretenait au Relec un
courrier qui" constamment posté sur la digue, le pied dans
l'étrier de son cheval, n'attendait que l'instant de la catastrophe
pour bondir en selle et descendre ventre à terre à
(1) Note de Le Guennec. M. P. c'est-à-dire Moreau, prieur.
(2) Ces dalles sont actuellement couvertes de verdure.
(3) A droite de l'extrémité nord de ce mur, de l'autre côté de la
rivière, à 200 m. environ des bâtiments conventuels, se trouve la fonlaine
de saint Bernard.
Morlaix. afin d'y donner l'alarme. La même tradition se retrouve
à Brézal, près de Landerneau :
Ma vank chauser ar stank Brezal
Landerneiz, pakit ho stal (1).
Pour embrasser d'un coup d'oeil tout le paysage, observe
M. Le Guennec, il faut traverser la chaussée du moulin, et
aller s'asseoir près d'une vieille fontaine à édicule, au versant
de la colline de Kergus. De cet endroit, on découvre la nappe
brillante de l'étang, l'ensemble du vieux monastère, les bâtiments
entremêlés de verdure, les grands toits sombres de
l'église et sa petite flèche d'ardoises, puis les vastes solitudes
où se livra la fameuse bataille de Brank-Alek, et la sauvage
barrière de l'Arrée, hérissée de pitons rocheux .
(1) Note de M. Le Guennec.
4e PARTIE
LA DÉVOTION A NOTRE-DAME DU HELEC
De tout temps les moines du Relec eurent une vive dévotion
pour la Vierge, leur patronne vénérée. Chaque jour, ils modulaient
pieusement en son honneur la lente mélodie du Salve
Regina, leur antienne préférée. Ils avaient décoré l'arcade
surmontant son autel d'une fresque, la représentant assise,
tenant son enfant sur ses genoux et encadrée de deux abbés,
la crosse en main (1 ). C'est au pied de l'autel qu'ils se faisaient
inhumer (2), et l'on dit que lors des travaux de restauration
entrepris en 1896, on aurait trouvé, sous cet autel un
caveau voûté en pierre où trois cercueils de plomb, portant
des inscriptions, reposaient sur des barres de fer (3).
Les fidèles, eux aussi, aimaient la patronne du Relec. Leur
dévotion est attestée, pour le XVIIe siècle, par le carme Cyrille
Le Pennec, qui écrit, en 1647, au sujet du Relec; « Ce lieu,
entre les lieux remarquables de dévotion de la Vierge de ce
diocèse (de Léon) est grandement renommé et visité par la
grande part du peuple de Léon, de Tréguier et de Cornouaille,
d'autant qu'il est en triangle entre ces trois eveschez » (4).
Et, de fait la fontaine des trois évêques (feunleun an tri eskop) ,
se voit dans la montagne, au sud-est, à 1 km. 1/2 du Relec.
(1) Cette fresque, que M. Bigot signale comme découverte vers 1884,
sous un épais badigeon (Bull . de la Société archéol. du Finistère, 1884,
p. 237-255), n'existe plus.
(2) Archives du Finistère, 4 H 1.5.
(3). Note de M. Le Guennec. .
(4) Eglises et chapelles de Notre-Dame de l'évêché de Léon, Vie des
Saints de la Bretagne-Armorique, éd. Kerdanet, p. 504.
Un moment interrompu par la Révolution, le culte reprit
et continue de nos jours.
Le « pardon » du Relec a lieu le 15 Aoùt, inauguré, la veille
au soir, par un beau feu de joie. La foule afflue ce jour-là au
célèbre sanctuaire. Dès quatre heures du matin, les pèlerins
contournent trois fois l'autel de la Sainte Vierge, et parmi
leurs offrandes, on signalait, il n'y a pas bien longtemps, des
poules blanches et une mesure d'avoine dans un bonnet.
De nombreux cierges brûlent sur deux supports en fer
d'aspect archaïque qui doivent remonter à l'Ancien Régime.
Comme faveurs, on sollicite particulièrement la guérison des
maux de ventre et des hernies. On peut voir encore aujourd'hui
plusieurs ceintures herniaires pendues en guise d'ex-voto
aux deux piliers du bas de la nef (1).
Les pieux fidèles se gardent bien d'oublier la fontaine
sainte. Plusieurs y demandaient jadis, par diverses ablutions,
d'être libérés de leurs rhumatismes (2).
Il y a quelque 50 ans, les pèlerins qui venaient du sud
s'arrêtaient au sommet de l'Arrée, à un endroit dénommé
Roc'h-ar-Zalud (le Rocher du Salut), à cinq kilomètres environ
de La Feuillée; ils se mettaient à genou et, les yeux
fixés sur le sanctuaire du Relec qu'ils venaient de découvrir,
ils récitaient dévotement le Pater et l'Ave. Si ce roc s'appelait
ainsi, c'est que de là on adressait à la Vierge du Relec le premier
salut.
De nos jours, le grand « pardon » du Relec a encore de la
vogue. On y vient de loin, de Tréguier, Lannion, Callac ... (3).
(1) Il y a là également une paire de béquilles.
(2) Boucher de Perthes, Chants Ar1noricains, 1831, p. 203.
(3) Luzel possédait dans sa collection une vieille image populaire
bretonne de NOSTRE : DAMES: DU : RELEC, mesurant 22 sur 33
centimètres 1/2. Il l'a reproduite dans son étude sur l'imagerie en Basse-Bretagne,
Revue des Traditions populaires, p. 312. C'est une Vierge
Mère accompagnée des images de la lune, du soleil et de divers ex-voto.
Chaque année un autre « pardon » a lieu au Relec, le dimanche
qui suit le 15 août: c'est le « pardon de saint
Bernard.
La messe est dite au vieux sanctuaire les dimanches et fêtes.
Un « pardon » en Bretagne ne va pas sans cantiques. L'abbaye
et la Vierge du Relec ont été chantées en trois vieilles
gwerz ou complaintes bretonnes.
Le cantique actuellement en usage: Patronez ar Relecq,
date de 1913.
H. PÉRENNÉS.
Les cupules sont des petites cavités gravées dans la pierre.
On peut les rencrontrer sur des menhirs et des dolmens,
et aussi sur des stèles de l'Âge du fer.
Quelques croix en portent également.
A Trégunc, la croix de Kergostiou est posée sur un rocher qui porte deux cupules du côté de l’ouest.
A Plougonvelin, la Croas-Sant-Evennec a un socle octogonal creusé de larges cupules.
A Plomeur, à Tréminou et au Landu, les larges cupules sont sur un socle circulaire,
alors qu'à Robiner elles sont à la verticale sur le fut de la croix monolithe.
A Mespaul, un socle cubique porte de nombreuses cupules.
A La Feuillée presque toutes les cupules sont sur un bord du socle cublique.
Dans le Finistère, sur plus de 3000 croix, on trouve des cupules sur une vingtaine, à Lanildut, La Forêt-Fouesnant,
Loctudy, Plouvorn, Ile d'Ouessant, Plouézoc'h, Irvillac, Fouesnant, Esquibien,
Plouguin, Lampaul-Guimiliau, Plouarzel, Cléder, Dirinon et Berrien.
Le socle circulaire de la croix de Trédudon en Berrien est
creusé d'une dizaine de cupules. Elles sont regroupées à l'ouest, sur l'une
des 7 pierres qui forment le socle.
Malgré de multiples hypothèses, la signification de ces marques reste inconnue.
On y a vu des jeux, des cavités destinées à recevoir de l'eau,
des trous creusés par les pèlerins pour leur permettre d'emporter et de conserver
sur eux une parcelle de la croix. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'elle ne sont
pas l'oeuvre d'un berger qui creuse parce qu'il n'a rien d'autre à faire.
Sur les croix, ce sont presque toujours les faces supérieures des socles qui
ont la prédilection. Cependant, la clé des cupules nous échappe.