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Le Trobreiz médiéval



La carte ci-dessous montre les itinéraires Tro Breizh tels qu'ils pouvaient être au XIIIe siècle. À cette époque le terme Tro Breizh n'existait pas. On parlait de pèlerinage des Sept Saints de Bretagne ou plus simplement voyage des sept saints.

Les marqueurs indiquent les lieux connus où existait un culte à un groupe de sept saints ou de sept frères. On en trouve à Bulat, au Vieux-Marché, à Saint-Brieuc, Erquy, Trédias, Josselin, Erdeven, Daoulas et Brest. Ces groupes se ressemblent sauf celui du Vieux-Marché qui est dédié aux sept saints d'Éphèse, la chapelle actuelle étant bâtie sur un dolmen qui rappelle la caverne où ont été enfermés les sept saints d'Éphèse. Les autres sont dédiés à sept frères ou sept saints qui ne sont pas les Sept Saints de Bretagne. Ces groupes de sept frères peuvent avoir la même mère, être habillés de la même façon ou être tous devenus évêques. Ces groupes de sept frères sont peut-être les vestiges de cultes pré-chrétiens. Si tel est le cas, les pèlerinage des Sept Saints de Bretagne est peut-être une christianisation des ces cultes pré-chrétiens.

L'itinéraire médiéval de Saint-Pol-de-Léon à Tréguier

Pendant tout le Moyen-Âge, on a continué d'utiliser l'ancien réseau routier gallo-romain qui était le seul véritablement utilisable pour des liaisons à grande distance. Localement, on note quand même quelques évolutions parce la voie romaine est devenue impraticable. C'est notamment le cas des voies romaines qui franchissaient des bras de mer et sont devenues impraticables suite à l'élévation du niveau de la mer qu'on estime être d'un mètre tous les mille ans. Dans ce cas, des déviations ont été mises en place, parfois dès les Haut Moyen-Âge.

De Saint-Pol de Léon à Morlaix, l'ancienne voie romaine par Plouénan et Penzé est restée utilisable pendant tout le Moyen-Âge et même jusqu'à nos jours à l'exception de quelques petits tronçons. En plus de cet itinéraire, des raccourcis pouvaient exister, peut-être en franchissant la Rivière de Morlaix à Locquénolé. De même, de Morlaix à Lannion, l'ancienne voie romaine est restée presque intacte jusqu'à nos jours, du moins à partir des environs de Lanmeur. Après Lannion, une voie pré-romaine est probable par la Ville-Blanche, Pont Kéréon, Pont Poyès en Lanmérin et Langoat pour rejoindre Tréguier. Une branche se détachant de la voie Lannion-Saint-Brieuc au niveau de Rospez est également possible pour rejoindre Tréguier par la chapelle de la Salle et Lanmérin.

De Tréguier à Saint-Brieuc

Après Tréguier, il n'est pas certain qu'on faisait le détour de Pontrieux pour rejoindre l'ancienne voie romaine de Lannion à Saint-Brieuc. Une voie romaine plus directe est probable par Paimpol. Bien que maintenant disloquée à l'ouest de Paimpol, on peut supposer que cette voie venait de Lannion par la Ville Blanche, Langoat, et la Roche-Derrien. Après la Roche-Derrien, il reste quelques vestiges entre Troguéry et Pouldouran. Elle devait ensuite se diriger vers Pleudaniel et franchir le Trieux au niveau de Lancerf avant de rejoindre Paimpol. Il est probable qu'au XIIIe siècle, on utilisait cette voie pour aller de Tréguier à Saint-Brieuc. Partant de Tréguier, on rejoignait la voie romaine à Paimpol en suivant un chemin direct qui franchissait le Jaudy et le Trieux. On la suivait ensuite par l'abbaye de Beauport, Plouézec, Lanloup, la chapelle Saint-Laurent de Plouha et Notre-Dame-de-la-Cour en Lantic. Ensuite, l'itinéraire est incertain. On pouvait rejoindre Saint-Brieuc par Trégomeur, Tréméloir ou Pordic.

De Saint-Brieuc à Saint-Malo

Après Saint-Brieuc, on rejoignait l'ancienne voie romaine reliant Carhaix à Corseul. Après Saint-Brieuc, cette voie est restée presque inchangée jusqu'à nos jours. Partant de Saint-Briuec, il est probable qu'on traversait la Baie de Saint-Brieuc pour rejoindre par Hillion, la voie romaine à Saint-Alban. On passait ensuite par la chapelle Saint-Jacques. À la Bouillie, on quittait la voie romaine qui rejoignait Corseul par Plancoët pour suivre une voie littorale d'origine vraisemblablement romaine ou pré-romaine. Cette dernière passait par Montbran, la chapelle du Temple, Matignon, le Guildo, Trégon et Ploubalay. Elle pouvait franchir la Rance au passage de Jouvente ou plus vraisemblablement rejoindre la Baie du Prieuré à Dinard juste en face de Saint-Malo.

De Saint-Malo à Dol-de-Bretagne

Après Saint-Malo, une voie littorale vraisemblablement pré-romaine est connue sous le nom de Chemin Dolais. Au XIIIe siècle, partant de Saint-Malo, on devait suivre un chemin direct pour rejoindre le Chemin Dolais à Saint-Benoît-des-Ondes. On le suivait ensuite sur le littoral avant de bifurquer vers Dol par le Mont-Dol, en passant soit par la Fresnais, soit par le Vivier-sur-Mer.

De Dol-de-Bretagne à Vannes

Après Dol-de-Bretagne, on pouvait suivre l'ancienne voie romaine de Avranches à Corseul qui passait à 2 km au sud de Dol. À l'époque romaine, après Corseul on pouvait suivre la voie de Vannes et rejoindre ainsi Vannes. Suite à l'élévation du niveau de la mer, la voie Avranches-Corseul ne pouvait plus franchir la Rance au gué de Taden, à 4 km au nord-est de Dinan. C'est ainsi que deux déviations ont été mises en place, l'une par Port Saint-Jean au nord, l'autre par Dinan au sud. On voit apparaître au sud-ouest de Dinan, peut-être au cours du Haut Moyen-Âge, un chemin passant par Brusvily, Trédias, Trémeur et Sévignac. Au bord de ce chemin, sur la commune d'Yvignac, on trouve la chapelle templière du Haut Lannouée. De Sévignac, il est probable qu'on rejoignait l'ancienne voie romaine de Corseul à Vannes, sans doute près du Grand Saint-Méleuc, à 4 km au sud-ouest de Sévignac. De Sévignac, une autre jonction est également envisageable par Langourla.

Au sud-ouest de la Forêt de Boquen, la voie romaine Corseul-Vannes passait par la Hutte à l'Anguille. Cette section existe encore jusqu'à Laurenan. Ensuite, il est probable que la voie a été déviée par la Trinité-Porhoët et Josselin dès le début du Moyen-Âge. À l'origine, elle passait à l'Étrat, à 1500 m à l'ouest de la Trinité-Porhoët et franchissait l'Oust à Pomeleuc, à 6 km à l'ouest de Josselin. Après Josselin, au début du Moyen-Âge, il n'est pas certain qu'on rejoignait la voie romaine Corseul-Vannes à Saint-Jean-Brévelay. On pouvait aussi suivre la route de Sérent par Sainte-Catherine en Lizio. À Saint-Catherine, il y avait un prieuré fondé par les templiers vers 1200. À Sérent, on rejoignait l'ancienne voie romaine venant de Rennes et il n'y avait qu'à la suivre jusqu'à Vannes. Cette voie maintenant disparue existait encore au milieu du XXe siècle entre Sérent et Vannes par Trédion. Elle est presque intégralement visible sur les photos aériennes de 1952. Elle passait à 300m à l'est de la chapelle Notre-Dame-du-Loc en Saint-Avé.

De Josselin à Vannes, on peut également envisager de passer par Guéhenno et rejoindre la voie romaine de Corseul à Vannes à Saint-Jean-Brévalay. Cet itinéraire est difficile à dater. La paroisse de Guéhenno semble avoir été fondée à la fin du XIIe siècle. Le grand calvaire, le plus célèbre du Morbihan, date de 1550. De Josselin à Vannes, le troisième itinéraire par Plumelec est vraisemblablement plus tardif.

De Dol à Vannes il faut également signaler une variante possible par Saint-Méen-le-Grand. Après Dinan, les pèlerins arrivaient à Brusvily. De là, ils pouvaient suivre l'ancienne voie romaine de Corseul à Rieux jusqu'à Saint-Méen-le-Grand puis Gaël. À Gaël, ils croisaient la voie romaine de Rennes à Castennec qu'ils pouvaient suivre par Évriguet et le sud de Mohon d'où on pouvait rejoindre Josselin par la Forêt de Lannouée. Il n'est pas certain que la voie romaine était encore praticable au début du Moyen-Âge entre Gaël et Mohon. On a commencé à la retrouver à partir de la fin du XXe siècle suite à des campagnes de photos aériennes. En fait, ce sont les fossés de la voie qui existent encore enfouis sous la terre. Ils continuent de capter l'humidité et restent visibles du ciel parce que la végétation est plus verte au dessus des fossés. Entre Gaël et Mohon, la voie devait encore exister au VIe siècle. En effet, au VIe siècle, saint Samson, évêque de Dol, a envoyé son compagnon saint Méen en mission à Vannes. On sait qu'il s'est arrêté à Gaël. Après Gaël, le seul itinéraire plausible au VIe siècle pour rejoindre Vannes c'est de suivre la voie romaine Rennes-Castennec sur environ 30  avant de croiser la voie romaine Corseul-Vannes à l'ouest de Lanouée. De plus, si notre hypothèse est exacte, elle indique qu'un chemin pouvait exister au VIe siècle entre Dinan et Brusvily, ou du moins entre Dinan et la voie Corseul-Rieux. Le chemin reliant Dinan à la voie romaine de Corseul à Vannes par Brusvily et Trédias est sans doute plus tardif. Sinon, saint Méen n'aurait sans doute pas fait le détour de Gaël.

De Vannes à Quimper

Après Vannes, une voie romaine menait à Quimper par Sainte-Anne-d'Auray. À 2700 m à l'ouest de Sainte-Anne-d'Auray, la voie franchissait le Loc'h maritime au niveau de Saint-Degan. Suite à l'élévation du niveau de la mer, il est probable que ce passage était impraticable au début du Moyen-Âge. Un pont médiéval est attesté en 1612 pour rejoindre Brec'h. Il est sans doute contemporain de la chapelle Saint-Jacques de Brec'h, datée de 1464. Il n'est pas certain que la route par Vannes, Brec'h, Landaul, Locmaria-er-Hoët, Landévant et Brandérion était utilisable au début du Moyen-Âge. Il est plus probable que la voie romaine a été déviée par Auray où un pont est mentionné en 1295. C'est vraisemblablement l'itinéraire suivi vers 1322 par les témoins n°226 et n°148 du procès de canonisation de saint Yves. Ils ont franchi la Rivière d'Étel au Vieux Passage à 1500 m au nord d'Étel avant de rejoindre Hennebont.

Si le passage se faisait par Étel il est probable qu'on rejoignait ensuite Hennebont pour continuer par Quimperlé. On peut également envisager un itinéraire côtier par Lorient Pont-Aven et Concarneau. Cet itinéraire est improbable. Il l'est d'autant plus que le passage du Tro Breizh est attesté à la chapelle de Locmaria-an-Hent dans un document du XVIIe siècle, lui-même copie d'un document du XVe siècle. On y trouve l'extrait suivant : "tout ce qu'une personne déposera en allant le viage des Sept-Saints de Bretagne". L'unique itinéraire possible semble être celui par Hennebont, Pont-Scorff, Quimperlé, sans doute le Trévoux, puis par la chapelle Saint-Maurice du Moustoir en Rosporden, la chapelle de la Trinité en Melgven et celles de Locmaria-an-Hent en Saint-Yvi et de Sainte-Anne-du-Petit-Guélen en Quimper. Toutes ces chapelles sont bâties sur la voie romaine de Vannes à Quimper.

De Quimper à Saint-Pol-de-Léon

Après Quimper, l'itinéraire généralement suivi depuis le XIXe siècle passe par Briec et la chapelle des Trois-Fontaines en Gouézec. Après le franchissement de l'Aulne à Pont Coblant, on rejoint Briec et Brasparts. Jusque là, on a suivi une voie romaine bien attestée. Un cavalier à l'Anguipède a été découvert près de la voie au niveau de Briec. Il y avait une villa gallo-romaine au bord de la voie près de Pont Coblant et un pied gallo-romain sculpté dans la pierre a été découvert dans l'Aulne à Pont Coblant.

L'itinéraire est bien assuré jusqu'aux Monts d'Arrée. En arrivant à Roudouderc'h à 1700 m à l'ouest du Tuchenn Kador, point culminant des Monts d'Arrée, la voie romaine pouvait prendre une direction nord-est, suivre les crêtes des Monts d'Arrée et rejoindre Morlaix. Après Roudouderc'h, un chemin existait pour continuer plein nord et rejoindre Saint-Pol. Il franchissait les Monts d'Arrée à Croas-Mélar en Commana, passait par Quillidiec à 2 km au nord-ouest de Commana. Il continuait ensuite tout droit pour rejoindre Guimiliau. Au début du Moyen-Âge, la section de Croas-Mélar à Guimiliau a sans doute été déviée par le bourg de Commana. Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem avaient une chapelle au Mougau entre Croas-Mélar et Commana.

Après Guimiliau, à Kermat en Guiclan, l'itinéraire venant de Croas-Mélar rejoignait une ancienne voie romaine. Il est probable que cette dernière arrivait de Quimper par Châteaulin, Lopérec, Sizun, Locmélar et Lampaul-Guimiliau. Après Lampaul, elle est connue sous le nom de « Bali Kastell », l'avenue de Kastel Paol, le nom breton de Saint-Pol-de-Léon.

Après Kermat, l'ancienne voie romaine menant à Saint-Pol-de-Léon est restée presque inchangée jusqu'à nos jours. Elle passe par Plouénan puis à un kilomètre à l'ouest de Saint-Pol-de-Léon avant de rejoindre Roscoff. Cette voie est mentionnée dans la vie de Paul-Aurélien écrite vers 884 par le moine Wrmonoc de Landévennec. Wrmonoc écrit que la voie passe par Plouénan et la qualifie de "via publica", appellation qui correspond souvent à une voie romaine. Wromoc indique également que saint Paul-Aurélien est arrivé à Saint-Pol par Plouénan, ce qui indique une direction sud-nord, puis qu'il a rejoint Saint-Pol en venant de l'ouest, ce qui correspond bien à la voie romaine. Cet itinéraire est d'autant plus remarquable qu'il est quasiment rectiligne entre Guimiliau et Saint-Pol-de-Léon et ne traverse aucun cours d'eau sur 30 km.

De Quimper à Saint-Pol-de-Léon, on a en fait deux itinéaires possibles. Le premier passe par Châteaulin, Lopérec, Sizun, Lampaul-Guimiliau et Plouénan. Le second est plus direct et passe par Briec, Pleyben, Basparts, Commana, Lampaul-Guimiliau et Plouénan. Le premier est vraisemblablement d'origine romaine ou plutôt pré-romaine. Pour le second, c'est plus incertain. Une jonction gallo-romaine est peut-être envisageable. Elle pourrait quitter la voie romaine Quimper-Morlaix à Roudouderc'h en Sizun. Elle pourrait passer par Croas-Mélar et Quillidiec en Commana. Elle rejoindrait la voie romaine Quimper-Sizun-Roscoff à Lampaul-Guimiliau. Cette jonction gallo-romaine est largement hypothétique.

Un troisième itinéraire reste à étudier entre Quimper et Saint-Pol-de-Léon. Il pourrait passer par Locronan, la Lieue de Grève en Plonévez-Porzay et Lanvéoc avant de rejoindre Brest par bateau. De Brest, une voie romaine mène à Morlaix en passant par Mespaul à 7 km au sud de Saint-Pol. Cette voie est attestée par un milliaire épigraphe découvert à Mespaul. De plus, il y avait près du château de Brest une église des Sept Saints. Une variante de cet itinéraire est également possible par Le Faou et Daoulas où un chemin des pèlerins est mentionné dans un acte de 1478. Dans un acte de 1630, on trouve aussi mention d'un carrefour des Sept-Saints au bourg de Daoulas. Ainsi, un itinéraire de Quimper à Saint-Pol par Brest ou Daoulas pourrait correspondre à un itinéraire du pèlerinage des Sept Saints de Bretagne. Cette hypothèse reste à confirmer.

Conclusion

Au début du Moyen-Âge, les itinéraires possibles sont si peu nombreux pour faire le tour de la Bretagne qu'on arrive à la conclusion que sur une grande partie du parcours, un seul itinéraire était possible. Même si quelques variantes pouvaient exister localement, le parcours se faisait sur les anciennes voies romaines. Sans elles, le pèlerinage des Sept Saints de Bretagne n'aurait pas pu exister.

Ainsi, de Saint-Pol à Saint-Brieuc par Tréguier, c'est d'abord la voie romaine Roscoff-Morlaix-Lannion qui est utilisée, puis celle de Lannion à Saint-Brieuc par la Roche-Derrien et Paimpol. Après Saint-Brieuc, on rejoint à Saint-Alban l'ancienne voie romaine qui menait à Alet, l'ancienne citadelle gallo-romaine au sud de Saint-Malo. Après Saint-Malo, c'est un chemin littoral déjà utilisé à l'époque romaine qu'on suit, le Chemin Dolais. Après Dol, les voies romaines d'Avranches à Corseul puis de Corseul à Vannes sont largement utilisées avec des déviations par Dinan et vraisemblablement Josselin. Si après Vannes, le passage est probable par Étel, après Hennebont on suit la voie presque intégralement la voie romaine de Vannes à Quimper. Le seul itinéraire vraiment incertain est celui de Quimper à Saint-Pol-de-Léon où trois itinéraires sont possibles.

Enfin, il faut s'interroger sur la présence au bord de cet itinéraire de lieux de cultes dédiés à sept saints ou sept frères. On les trouve en des lieux étonnamment proches de l'itinéraire du Tro Breizh, à Saint-Brieuc, Erquy, Trédias, Josselin, Erdeven et peut-être Daoulas ou Brest. Il ne s'agit jamais des Sept Saints de Bretagne, mais toujours d'autres groupes de sept saints. Des cultes pré-chrétiens à sept frères ont pu exister un peu partout en Bretagne. Ont-ils été christianisés pour aboutir au pèlerinage des Sept Saints de Bretagne. C'est un hypothèse.